Des chercheurs de l'Université de Vienne mettent au point des analogues de l'ocytocine dans l'intestin pour le traitement ciblé de la douleur abdominale chronique

Date : 22 Novembre 2024

Une équipe de recherche de l'Université de Vienne, dirigée par le chimiste médicinal Markus Muttenthaler, a mis au point une nouvelle classe de peptides thérapeutiques oraux pour le traitement des douleurs abdominales chroniques. Cette innovation révolutionnaire offre une solution sûre, sans opioïdes, pour des affections telles que le syndrome du côlon irritable (SCI) et les maladies inflammatoires de l'intestin (MII), qui touchent des millions de personnes dans le monde. Les résultats de la recherche ont été récemment publiés dans l'édition internationale de la célèbre revue Angewandte Chemie.

Une approche innovante du traitement de la douleur

Les médicaments actuellement utilisés pour traiter les douleurs abdominales chroniques font souvent appel aux opioïdes. Cependant, les opioïdes peuvent provoquer des effets secondaires graves tels que la dépendance, la nausée et la constipation. En outre, ils affectent le système nerveux central, entraînant souvent fatigue et somnolence, ce qui nuit à la qualité de vie des personnes concernées. Le risque de dépendance est particulièrement problématique et a contribué à la crise mondiale des opioïdes. Il est donc urgent de trouver des alternatives qui minimisent ces risques.

Cette nouvelle approche thérapeutique cible les récepteurs de l'ocytocine dans l'intestin. L'ocytocine est communément appelée « hormone de l'amour » en raison de son rôle dans les liens sociaux. Ce que l'on sait moins, c'est que l'ocytocine peut également affecter la perception de la douleur. Lorsque l'hormone peptidique ocytocine se lie à ces récepteurs, elle déclenche un signal qui se traduit par une augmentation de la douleur.

L'avantage de cette approche est que l'effet est spécifique à l'intestin, ce qui réduit le risque d'effets secondaires en raison de son action non systémique et limitée à l'intestin.

L'ocytocine elle-même ne peut pas être prise par voie orale car elle est rapidement dégradée dans le tractus gastro-intestinal. Cependant, l'équipe du professeur Muttenthaler a réussi à créer des composés d'ocytocine totalement stables dans l'intestin, mais qui peuvent encore activer puissamment et sélectivement le récepteur de l'ocytocine. Cela signifie que ces peptides similaires à l'ocytocine nouvellement développés peuvent être pris par voie orale, ce qui permet un traitement pratique pour les patients. Cette approche est particulièrement innovante car la plupart des médicaments peptidiques (tels que l'insuline, les analogues du GLP1) doivent être injectés car ils sont rapidement dégradés dans l'intestin.

« Notre recherche met en évidence le potentiel thérapeutique des peptides spécifiques de l'intestin et offre une nouvelle alternative sûre aux analgésiques existants, en particulier pour les personnes souffrant de troubles intestinaux chroniques et de douleurs abdominales », explique M. Muttenthaler.

Prochaines étapes et perspectives d'avenir

Avec le soutien du Conseil européen de la recherche, les scientifiques s'efforcent à présent de mettre en pratique les résultats de leurs recherches. L'objectif est de commercialiser ces nouveaux peptides en tant que traitement efficace et sûr des douleurs abdominales chroniques. En outre, l'approche générale de la thérapeutique peptidique orale, stable et spécifique à l'intestin pourrait révolutionner le traitement des maladies gastro-intestinales, car le potentiel thérapeutique des peptides dans ce domaine n'a pas encore été pleinement exploré.

L'équipe a déjà obtenu un brevet pour les médicaments développés et recherche activement des investisseurs et des partenaires industriels pour faire progresser les médicaments vers la clinique.


Texte original : Université de Vienne

Article scientifique: Thomas Kremsmayr, Gudrun Schober, Matthias Kaltenböck, Bradley L. Hoare, Stuart M. Brierley, Markus Muttenthaler. Oxytocin Verbindungen zur oralen Behandlung von BauchschmerzenAngewandte Chemie, 2024; DOI: 10.1002/ange.202415333

Illustration générée par IA